L’écriture clinique

Documents pédagogiques

L’écriture clinique consiste à tenter, par l'écrit personnel, une démarche réflexive sur une pratique réellement vécue. C’est une façon de parler de soi-même ou de s’adresser à l’autre. À partir de situations réelles, elle contribue ainsi à la compréhension et à la construction d'un savoir clinique sur les lieux mêmes de la formation pratique.

Ce passage par l'écriture favorise également une nécessaire mise à distance de la pratique en permettant une prise de recul grâce à sa problématisation. Il contribue également à la construction identitaire des professionnels. L’écriture impose une discipline, une forme d’objectivation et de contrôle des émotions qui produisent des prises de conscience qui ne sont pas toujours de même nature que celles qui sont issues des entretiens ou échanges oraux.

Le travail d'analyse par l'écriture clinique se situe à plusieurs niveaux :

En premier lieu il y a lors de la phase d'écriture personnelle un travail qui touche à l'intimité professionnelle. Mettre en mot sa pratique nécessite de la "décortiquer", de la conscientiser, de la clarifier dans une démarche d'authenticité. Instrumentée par des outils d’auto et d’hétéro évaluation elle est plus efficiente.

En deuxième lieu, ce travail "de l'intérieur" peut être partagé, reconstruit, approfondi et quelque part théorisé.

De fait l'écriture clinique est au service d'une double quête : celle de la réflexivité et celle de la congruence à la réalité professionnelle.

 

Quelle forme peut prendre l’écriture clinique ?

 

L’écriture clinique peut prendre plusieurs formes, elle ne consiste pas simplement à rédiger des bilans ou des comptes rendus d'analyses ou des cas cliniques désincarnés.

 

En pratique, l’écriture ne va pas sans résistance et l’on peut se demander quel est l’intérêt de faire écrire alors que les internes peuvent tout aussi bien parler de leurs pratiques ?

Les résistances sont aussi liées à la peur de comprendre et percevoir qui on est, et ou peur d’être mis à nu et jugé par un lecteur alors que l’on n’est pas en mesure de se défendre !

En effet, dans le cadre du stage, utiliser l'écriture par l'écrit personnel consiste en une démarche réflexive sur une pratique réellement vécue. Elle contribue ainsi à sa compréhension et à la construction d'un savoir clinique, à partir de situation réelles authentique sur les lieux mêmes de la formation pratique.

Aujourd'hui, des pratiques d'écriture clinique se développent en particulier dans la formation initiale de nombreux professionnels et ce, sous des formes diverses qui mériteraient certainement d'être davantage étudiées et utilisées.

 

En pratique durant les stages et en particulier durant le SASPAS, l’écriture clinique peut prendre des formes très diverses. Il est possible de faire écrire dans plusieurs circonstances et sur plusieurs types de supports :

-       l’écriture dans le dossier patient ;

-       les récits des situations complexes  authentiques (alias RSCA) ;

-       les journaux de bord (forme évoluée du "cahier journal") ;

-       les portfolios qui sont les recueils organisés de traces écrites d’apprentissage.

 

Le journal de bord

 

Qu’est ce qu’un journal de bord et quel est son intérêt dans le cadre du Stage ?

 

Innovant en matière de suivi, le journal de bord s’insère dans un dispositif plus vaste d’accompagnement des internes. C’est une des modalités de l’écriture clinique.

 

L’analogie est faite avec le journal de bord des marins : le livre ou journal de bord est un ensemble de registres dans lesquels le capitaine ou les officiers d'un navire, consignent chronologiquement les différents évènements, manœuvres, caps, observations et paramètres concernant la navigation, la conduite des machines, les écueils rencontrés ou évités etc. Le livre de bord permet aux inspecteurs ou experts de retracer, à la suite de problèmes, le déroulement des opérations. Juridiquement, il fait foi jusqu'à preuve du contraire.

Il ne s’agit pas d’un journal intime ou personnel qui est un écrit qui aborde généralement les sentiments, pensées et aventures intimes de son auteur et qui peut ainsi relater des périodes variées de l'existence et qui en général est destiné à être gardé secret, temporairement ou définitivement.

Le journal de bord de l’interne en stage est donc un recueil des faits importants d’ordre professionnel  qui se sont déroulés durant la « traversée » du stage.

Il devra être rédigé régulièrement, souvent à un rythme quotidien avec des  entrées datées en partant des situations cliniques auxquels l’interne est confronté, les différents problèmes qui se sont posés, les questions à résoudre, les recherches nécessaires pour répondre aux questions et aux problèmes et surtout une synthèse qui renseigne sur l’acquisition de nouvelles connaissances et/ou compétences.

C’est un formidable outil de développement personnel à condition qu’il soit rempli régulièrement et qu’il fasse tout aussi régulièrement l’objet d’auto et d’hétéro évaluation.

 

Que doit-on trouver dans le journal de bord de l’interne en Stage ?

 

Il doit comporter une liste d’incidents critiques (problèmes) rencontrés durant le stage.

 

On doit donc retrouver bien décrits et datés des situations prévalentes ou exemplaires en soins primaires qui ont posé problème à l’interne sous la forme de :

-       situations biomédicales inédites : puis des solutions rapportées comportant le niveau de preuve, avec une synthèse concise qui renseigne sur l’amélioration des connaissances ;

 

-       prescriptions médicamenteuses nouvelles : en DCI, avec les indications et des contre-indications et effets iatrogènes les plus fréquents et/ou les plus graves ;

-       d’incidents iatrogènes : dont la responsabilité est analysée, dont les rapports bénéfices risques sont évalués ;

-       de problèmes relationnels : dont les genèses et conséquences sont bien analysées, avec élaboration d’alternatives relationnelles ;

-       de procédures médico administratives : en lien direct avec la pratique, listant les étapes à effectuer, et décrivant les avantages et les inconvénients pour le patient ;

-       d’exemples d’articles de la littérature permettant de trouver une aide, dont la sélection est de bon niveau de preuve, et dont le résumé est concis et pertinent ;

-       d’exemples de supervision ayant favorisé la prise en charge d’un patient, dont les solutions proposées sont pertinentes.

 

Dans tous les cas, toutes les situations consignées peuvent/doivent être source de réflexion ou d’échange avec son ECA (c’est ce qui est le plus important). Les interactions pédagogiques débouchent ainsi à un niveau supérieur de réflexion, voire de compétence.

 

Quel est le rôle du MDS dans l’élaboration du journal de bord ?

 

le MDS doit favoriser l’écriture régulière du journal du bord puis en vérifier l’authenticité. Il doit également évaluer régulièrement le contenu et la qualité des apprentissages réalisés.

 

La logique constructiviste de l’apprentissage postule, c’est l’interne qui doit traiter activement des données afin d’acquérir de nouvelles connaissances. Dans ce modèle, la compétence est comprise comme la capacité d’utiliser, de combiner des ressources internes (savoirs, savoir-faire) et externes pour régler au mieux les problèmes auxquels il est confronté.

 

Il est donc important que le MDS vérifie régulièrement :

-       que les différents incidents critiques que l’on doit trouver dans le journal de bord (voir la question que doit-on trouver dans un JDB) sont bien répertoriés ;

-       qu’il s’agit de situations réelles auxquelles l’interne a bien été confronté ;

-       que les questions posées sont bien pertinentes  et congruentes avec la pratique ;

-       que les recherches effectuées sont valides d’un point de vue scientifique, administratif, juridique, etc. ;

-       que des synthèses ponctuelles ont bien été effectuées.

 

Au total, Il ne s’agit donc pas pour le MDS de dispenser des connaissances ou de donner des recettes, même si elles lui paraissent pertinentes, mais tout au contraire de mettre l’étudiant en situation de soins, puis de l’aider à se construire en l’amenant  à repérer ce qui pose réellement problème, puis en l’incitant à aller chercher des données valides, capables de répondre à ces problèmes.

 

 

 

Pourquoi et comment analyser le journal de bord pour évaluer l’interne ?

 

Le carnet de bord est un indicateur qualitatif et quantitatif du travail réalisé. Son évaluation doit se faire à partir de critères qualitatifs et quantitatifs précis définis par les départements de médecine générale.

 

Dans le modèle basé sur les apprentissages dans une logique de compétence, les activités de formation et d’évaluation ne sont pas dissociées. On considère donc  que les MDS sont les professionnels les mieux placés pour évaluer judicieusement l’évolution des compétences des étudiants, au moment où elle se produit, c'est-à-dire en même temps que se font les apprentissages en profondeur.

 

En matière d’évaluation le MDS doit  disposer d’outils d’évaluation qualitatifs et quantitatifs. Son expertise professionnelle reste cependant un des déterminants majeurs de la qualité de l’évaluation du journal de bord.

 

Sur le plan qualitatif, il faut insister sur le fait que les situations décrites doivent être bien décrites et datées, qu’elles doivent être prévalentes ou exemplaires en soins primaires, que les questions soulevées sont bien congruentes avec les problèmes qui se posent réellement en pratique et ne sont pas uniquement académiques. De même, les solutions rapportées à partir des recherches effectuées doivent être valides sur le plan scientifique, administratif, juridique mais aussi tenir compte des possibilités du patient dans son contexte habituel de vie.

 

Sur le plan quantitatif, il est recommandé de déterminer un nombre minimum de situations qui renseigne sur le fait que l’interne a bien été confronté durant son stage au large champ de la médecine générale et qu’il a bien développé de multiples apprentissages explorant bien ce champ là.

 

Le récit de situation complexe

 

Qu’est ce qu’une situation complexe ?

 

Une situation clinique complexe imbrique plusieurs problèmes biomédicaux, psycho-relationnels, socioculturels, éthiques reliés entre eux et avec l’environnement qui ne peuvent se résoudre individuellement sans affecter les autres.

 

La perception selon laquelle des phénomènes qui concourent à une situation médicale peuvent être bien ou mal définis, bien ou mal structurés, plus ou moins enchevêtrés, facilement décomposables ou bien au contraire plutôt indécomposables, sauf à en modifier la situation elle-même, entraîne l’acceptabilité du caractère de complexité ou de non complexité de la situation.

D’un point de vue technique, il faut aussi distinguer les processus compliqués des processus complexes.

Les processus compliqués relèvent d’une compréhension qui peut devenir exhaustive, si les moyens techniques et humains donnés pour cette compréhension sont suffisants.

Les processus complexes mettent à mal l’intelligibilité de l’observateur. Non seulement la compétence d’une seule personne est rapidement dépassée par l’analyse du problème, mais encore la concertation à plusieurs réclame des compétences multiples et complémentaires, qui n’arrivent jamais à circonscrire en totalité les tenants et aboutissants de ce qu’il s’agit d’appréhender.

Appréhender la complexité d’une situation nécessite d’observer, d’interpréter, de relier les différents éléments qui la constituent mais aussi de garder une position ouverte liée à la dynamique des interactions comme à l’incertitude de son évolution potentielle.

 

Qu’est ce qu’un récit de situation complexe authentique (RSCA) et que doit-on y trouver en pratique ?

 

le RSCA est une des formes les plus abouties de l’écriture clinique (cf. question sur l’écriture clinique) qui combine l’expression de l’intimité professionnelle et l’analyse de la complexité des situations clinique rencontrées.

 

Ecrire un récit de situation complexe  nécessite de raconter une situation réellement vécue de façon la plus authentique et la plus détaillée possible en n’omettant si possible aucun aspect constitutif de cette situation, en particulier les aspects contextuels, relationnels, émotionnels professionnels, autant que les détails techniques et factuels. Pour mettre en mots sa pratique, il faut ensuite "décortiquer", conscientiser, clarifier le contenu du récit dans une démarche d'authenticité de recherche et de synthèse.

 

Le RSCA se compose donc habituellement :

-       du récit narratif de la situation (cf. récit) ;

-       de l’identification des problèmes posés et des objectifs d’étude à réaliser (cf. décortiquer et évaluer sa pratique) ;

-       de la recherche documentaire capable de répondre aux problèmes réellement soulevés (cf clarifier sa pratique) ;

-       de l’analyse de la recherche effectuée ;

-       de la synthèse du travail réalisé dans une optique de bilan de progression plus que de résumé académique ;

-       de l’exposé de l’application possible de la synthèse à la situation décrite ou aux familles de situation qui s’en rapprochent.

 

Le contenu du récit n’est pas une fin en soi mais plutôt le support qui permet une confrontation pendant laquelle l’interne devra être en mesure de commenter, d’analyser de justifier son travail en vue d’améliorer ses compétences professionnelles.

 

Quel est le rôle de du MDS dans l’élaboration du RSCA de l’interne ?

 

C’est l’interne qui choisit la situation qu’il souhaite écrire, le MDS doit cependant l’inciter à le faire en précisant bien la nature de ce qu’on entend par situation complexe et en l’aidant à la décortiquer puis à faire la synthèse des travaux.

 

Un grand nombre de départements exige 1 à 2 travaux d’écriture par semestre sous la forme de récit de situation complexe.

Dans ce contexte, le travail du MSD  est primordial :

Il doit bien préciser ou rappeler à l’interne ce que l’on entend habituellement par situation complexe et en particulier la différence qui existe entre situation complexe, situation simple et situation compliquée (cf. question précédente). Rappelons quelques caractéristiques d’une situation complexe :

-       son contenu est  flou, changeant et peu structuré, nécessitant une étude sous différentes perspectives en fonction de plusieurs systèmes de valeurs ou structures cognitives ;

-       son organisation est composée d’un nombre élevé et varié de composants qui interagissent entre eux dont l’évolution est imprévisible et nécessite une adaptation continue.

 

Il doit ensuite l’inciter à choisir la ou les situations qu’il souhaite écrire et à se mettre à la rédaction de celles-ci.

Il faut encore qu’il l’aide à problématiser, puis à aller chercher les ressources nécessaires pour répondre aux questions qui se posent avant de réaliser la synthèse des travaux.

Il doit surtout évaluer tout au long du processus la qualité des différentes phases du récit en s’aidant de grilles d’évaluation qualitative critériée.